L’innovation au cœur de l’armée de l’Air et de l’Espace

Le ministère des Armées prescrit deux modes d’actions pour favoriser la dynamique d’innovation de défense dans les armées : l’innovation planifiée qui résulte de travaux capacitaires et techniques au service d’une stratégie de long terme et l’innovation ouverte qui comprend entre autre l’innovation participative, c’est-à-dire les projets portés par les Aviateurs. On peut considérer que l’écosystème « innovation » du ministère des Armées est fort de trois niveaux : un niveau stratégique (DGA, EMA, AID, CEA, etc.), un niveau opérationnel qui est intimement lié au processus de développement capacitaire de nos matériels (EMAA, grands commandements et direction, par exemple pour l’armée de l’Air et de l’Espace), et un niveau tactique, au plus proche des utilisateurs de terrain.

Ces deux modes d’actions et ces trois niveaux sont bien entendu complémentaires et s’alimentent les uns et les autres. Les deux niveaux hauts conduisent souvent à des développements disruptifs et de long terme, donc relevant de l’innovation planifiée. L’innovation de terrain s’inscrit dans l’innovation ouverte : elle est tout aussi importante, car elle permet aux utilisateurs, aux Aviateurs dans le cas de l’AAE, de bien identifier leurs problèmes, et dans certains cas, de les résoudre par eux-mêmes. C’est essentiel dans la vie de tous les jours. C’est indispensable en situation de crise ou de guerre. Car l’objectif de l’armée de l’Air et de l’Espace en matière d’innovation de défense est de « maintenir la supériorité opérationnelle » : il ne s’agit pas de « créer un musée des prototypes » mais de « passer à l’échelle les innovations les plus prometteuses » pour les transformer en capacité opérationnelle et valoriser les Aviateurs qui en sont à l’origine.

À l’échelle locale d’une base, l’innovation repose sur trois piliers :

• la formation des Aviateurs (culture de l’innovation et maîtrise des outils de résolution de problème complexe) ;
• le mentoring, qui permet d’aider nos jeunes innovateurs à piloter leur projet. Sur la base de Cognac, une cellule innovation a par exemple été créée pour accompagner et conseiller les Aviateurs qui prennent des initiatives. La cellule vient apporter son aide et des conseils en parallèle ou en complément de ce que permet la chaîne HAPIE ou encore l’Agence innovation défense (AID) ;
• enfin, l’engagement du commandement qui peut se traduire par un appui financier grâce aux fonds mis en place par l’EMAAE et piloté par la CITN.

C’est en ce sens qu’une formation avait lieu les 23 et 24 juin derniers sur la base aérienne de Cognac, dispensée par une entreprise spécialisée. Pour cette deuxième édition, des Aviateurs de tout grade ainsi que les correspondants innovation de toutes les bases aériennes avaient été invités. Ainsi, 21 stagiaires se sont retrouvés immerger pendant deux jours pour découvrir ces techniques. En effet, en matière d’innovation, trois techniques méritent d’être connues et appliquées : le Design Thinking, le Lean, les méthodes Agiles.

Sans rentrer dans le détail,  le Design Thinking vise clairement à acquérir des méthodes d’intelligence collective (cocréativité) pour résoudre des problèmes complexes (Explorer-Comprendre-Construire). La phase d’analyse du problème est essentielle pour être sûr que l’on s’attaque au bon problème. Suit une phase d’idéation puis de priorisation qui doit permettre d’identifier la ou les solutions les plus pérennes. C’est là principalement qu’intervient le Lean. Dans la mesure du possible, la solution est traduite en MVP (minimum viable product). La méthode du Lean s’inscrit dans l’idée de construire correctement les solutions, de trouver la bonne réponse au problème en se fondant sur le retour des utilisateurs, par itérations successives. Les méthodes agiles enfin consistent à implémenter rapidement le passage à l’échelle.

Durant deux jours, les Aviateurs ont pu découvrir ces méthodes, principalement le Design Thinking et le Lean. Il n’y a rien vraiment de révolutionnaire, pourtant ces méthodes restent peu enseignées en France (le Design Thinking a été développé dans les années 80 à l’université de Stanford, alors que le Lean a été popularisé par le livre d’Éric Ries Lean Start-Up, en 2013).

Quelle que soit la méthode utilisée, les solutions sont toujours passées au crible de :

• la désirabilité (la solution répond-t-elle à mon problème initial ou bien aux points durs identifiés ?) ;
• la faisabilité (la technologie est-elle mûre ?) ;
• la soutenabilité (de tout ordre : financière, politique, législative, administrative, etc.).

Pour le colonel Nicolas Lyautey, « l’objectif de ces formations est bien de donner aux Aviateurs des outils et des techniques pour faire valoir leurs idées. C’est d’ailleurs comme cela que je qualifierais une organisation innovante : une organisation qui donne l’opportunité à chaque aviateur, quel que soit son rang et ses responsabilités, d’avoir un impact sur nos processus, sur nos organisations et nos capacités. »

Ces méthodes donnent aux Aviateurs les clés pour pouvoir innover, mettre en avant leurs compétences et présenter au mieux leurs projets. Ces méthodes contribuent donc à façonner localement un environnement propice à l’innovation, en libérant les énergies et les talents de nos personnels. « Démocratiser ces formations pourrait permettre de dynamiser encore davantage l’esprit d’innovation cher aux Aviateurs, de révéler leurs talents, à l’échelle de l’armée de l’Air et de l’Espace », ajoutait le colonel Lyautey. D’ailleurs, l’EMAAE mène des travaux pour valoriser l’innovation et les Aviateurs - innovateurs, en instruisant les questions de formation, de brevets mais aussi de récompenses.

Le colonel Lyautey concluait en ces mots : « Dans chaque aviateur, il y a un innovateur potentiel. Notre rôle est de l’accompagner pour révéler et exprimer son plein potentiel. »