Le C-135 au-dessus d'une chaîne de montagnes enneigée.

Istres : la base rend un dernier hommage aux C-135 FR

21/12/2023

Ce 15 décembre, la base aérienne (BA) 125 d’Istres « Charles Monier », rendait un hommage vibrant au dernier de ses C-135 FR, qui tire sa révérence à l’armée de l’Air et de l’Espace.

Une foule était réunie devant le C-135 FR de la base aérienne d’Istres, pour retracer six décennies d’histoire des unités ayant accueilli cet avion. « Les anciens » de l’unité, invités pour l’occasion et les associations patriotiques, ont vécu l’instant comme un véritable moment de recueillement.

Ordre du jour lu par le Colonel Anne-Laure Michel, commandant de la BA125.

Tous étaient attentifs à l’ordre du jour lu par le Colonel Anne-Laure Michel, commandant de la BA125 :

nous sommes réunis aujourd’hui, 15 décembre 2023, sur la base aérienne 125 d’Istres « Charles Monier », pour célébrer le départ du dernier avion ravitailleur C- 135FR, exposé devant nous et portant le numéro 737.

Ce jour clôt à jamais un chapitre de l’Histoire de l’armée de l’Air et de l’Espace, celui consacré à ses premiers avions de ravitaillement en vol. Il clôt également un chapitre pour toutes celles et ceux qui ont servi au sein des escadrons de ravitaillement en vol ou des unités de maintenance et tout particulièrement les officiers navigateurs dont la spécialité s’éteint avec ce retrait…

Ce C-135 F puis FR aura passé plus d’un demi-siècle à couvrir le champ opérationnel dédié à cette mission. La mission première pour la base aérienne formée par le tandem ravitailleur –chasseur ne peut passer inaperçue et marque indéniablement l’histoire de notre aéronautique militaire.

C-135 passant dans le ciel lors de la cérémonie.

Souvenons-nous :

Le C-135F est né d’une philosophie française de souveraineté associée à la projection de puissance, au-delà de la capacité propre des bombardiers stratégiques Mirage IV pouvant transporter l’arme nucléaire.

Le 20 septembre 1962, la France achète auprès de l’US Air Force pour 25 milliards de francs en chèque signé de la main du Général De Gaulle, douze C-135A modifiés. Les modifications portaient sur l’ajout d’une capacité de 126 sièges passagers, d’un système de transport de fret sur neufs palettes et de la capacité d’évacuation sanitaire de 40 blessés sur civières. Elles offrent un champ d’action, aussi varié que stratégique pour notre défense. Cet appareil modifié prendra la dénomination C-135F. Les 12 avions seront livrés entre le 03 février 1964 pour le numéro 471 et le 07 octobre 1964 pour le numéro 740, un cadencement extraordinaire pour construire toute une flotte en à peine dix mois. Durant cette période, les hommes et les machines s’apprivoiseront afin d’éprouver l’ensemble des nouvelles procédures d’alertes opérationnelles. Le C -135 F effectuera sa première alerte opérationnelle réelle le 08 octobre 1964, en duo avec le Mirage IV, marquant le début de la permanence de la dissuasion nucléaire française ininterrompue depuis.

Le 30 Juin 1972, la flotte est réduite à 11 appareils après la perte tragique du numéro 473 qui s’abîme en mer après un décollage de la base d’Hao en Polynésie. Ce terrible accident entraina la perte de l’appareil, des quatre membres d’équipage et de deux spécialistes météorologistes partis pour une mission de reconnaissance.

Entre 1984 et 1989, tous les C-135F subiront une remotorisation complète et verront ainsi leurs performances notablement accrues : le C135F devient le C135 FR. Coïncidence de l’histoire, le dernier C-135F à quitter la France pour effectuer sa transformation sera le numéro 737.

En 1993, les C-135FR étendent encore leurs capacités opérationnelles avec l’ajout de deux pods de ravitaillement en bout d’ailes. Ces derniers permettent désormais un ravitaillement plus rapide et synchronisé de deux chasseurs en toute sécurité.

Totalement indissociable du Mirage IV dans les mémoires, le C-135FR aura accompagné le bombardier stratégique dans toutes ses opérations et toutes ses missions. Après le retrait du Mirage IV, il accompagnera les nouvelles générations de chasseurs stratégiques, tel que le Mirage 2000N puis le Rafale B. Durant 60 ans, il aura partagé le ciel avec tous les types d’appareils français comme étrangers, y compris les plus gros comme l’E3F AWACS, le B1B ou le B52, sans jamais faillir. L’ensemble de la flotte des C-135 FR et leurs équipages auront réalisé un total de 391 000 heures de vol.

Après avoir été engagé dans toutes les opérations auxquelles la France a pris part, Épervier et Serval puis Barkhane, Enduring Freedom, Harmattan, Hamilton, Chammal, le C-135FR numéro 737 a participé il y a quelques jours à sa dernière opération majeure au sein des Forces aériennes stratégiques et à ses dernières heures de vol sous les cocardes tricolores agrémentées du célèbre liseré jaune, avant de tirer sa révérence.

Le chapitre est clos, une page de notre histoire se tourne. La base aérienne dispose encore de 3 exemplaires de C-135 « GATM » qui demeurent opérationnels jusqu’en 2025. Version « américaine » de l’appareil, ils continueront d’effectuer leur mission de ravitaillement en vol et susciteront toujours l’émerveillement des nostalgiques, au passage de leurs silhouettes, dans le ciel d’azur.

Les regards sont désormais tournés vers l’avenir et les nouvelles capacités offertes par le successeur au C-135. Depuis 2018 et le premier exemplaire, l’A330 MRTT Phénix a pris progressivement le relais des missions de ravitaillement en vol et de la dissuasion nucléaire.

Aujourd’hui, avec 12 MRTT Phénix et 3 autres A330 prochainement transformés en « ravitailleur », l’armée de l’Air et de l’Espace possède la plus importante flotte d’appareils de ce type et regarde sereinement le futur opérationnel.

C-135 au-dessus d'une chaîne de montagnes enneigée.

En plus des 90 ans de l’AAE, l’année 2024 sera aussi l’occasion de fêter les 60 ans de la mission de dissuasion nucléaire aéroportée, créée en octobre 1964. Cette mission permanente vise à défendre les intérêts vitaux de la Nations et en fait aujourd’hui un fondement essentiel de la défense de la France. La dissuasion nucléaire est assurée par les Forces aériennes stratégiques (FAS). Ces dernières sont composées de deux escadrons Rafale porteurs du missile Air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) ainsi que d’une escadre de transport et de ravitaillement en vol dont le C-135 faisait partie.